On sort ? Mais comment ça se passe en keto ?
A moins de vivre dans une grotte ou d’être un animal solitaire, nous avons toutes et tous au moins un ami, une sœur ou un collègue chez qui, parfois, nous sommes invité.e à manger.
Moi, j’adore me faire inviter ! C’est toujours sympa de partager un bon repas ! C’est toujours sympa de se faire plaisir. Bien sûr ! C’est toujours sympa…
J’ai la chance d’être très bien entourée. J’ai beaucoup d’amis et tous adorent manger (je crois qu’on ne s’entoure pas des gens par hasard !). Nous allons régulièrement chez les uns, chez les autres, en famille, entre copines, en bande au resto, en tête-à-tête pour un déjeuner, bref, toutes les configurations sont possibles. Et, comme tout le monde, nous varions des apéros dinatoires aux raclettes, des diners élaborés aux barbecues. Parfois une plancha, parfois des tapas, de temps en temps une tartiflette, plus rarement une soirée crudités, on alterne restos indiens et soirées burgers. Là aussi, on est ouverts, on mange de tout. On mange bien, on boit bien (je précise qu’on aime le vin, et si possible, le bon), bref, on vit de bonne chair !
Des phases et des phrases
Mais quand j’ai décidé de manger cétogène, il a fallu passer par certaines étapes. J’avais beaucoup d’appréhensions. D’une part, j’avais peur de me sentir exclue, de ne pas pouvoir manger ou d’être reléguée en bout de table. D’autre part, je craignais de vexer mes amis en refusant de manger ce qu’ils avaient préparé et, évidemment, j’avais peur d’être jugée. C’est donc avec anxiété que j’ai démarré une nouvelle vie sociale cet hiver.
Le premier dîner
Premier diner chez mes amis. Je les mets au courant de mon nouveau mode d’alimentation. Avant d’aller chez eux, je leur explique que je ne mange plus de féculents, ni de fruits, ni de sucres raffinés. Ils comprennent et me disent de ne pas m’en faire. J’arrive chez eux et je vois la table basse recouverte de coupelles pour l’apéro : chips, toasts de foie gras, carottes, houmous, tomates cerises, concombre et mini-quiches. Donc, nous y voilà. J’ai à peine enlevé mon manteau que je repère déjà que plus de la moitié n’est pas céto-compatible. Je ne dis rien, je ne veux pas froisser mes amis qui m’accueillent très gentiment en me disant, tout fiers, « t’as vu, on n’a pas mis de cacahouètes ! », « t’as vu, on n’a pas mis de saucisson ! ». Je souris et les remercie de leur attention. Intérieurement, je me dis qu’il me faudra du tact, beaucoup de patience et de douceur pour qu’ils comprennent. Ils n’y connaissent rien en alimentation keto, je ne vais pas les agresser en leur faisant la leçon au premier instant !
On s’installe sur le canapé. Ils sortent le rouge et me servent. Je leur dis que je vais commencer par un verre d’eau. Je prétexte que le trajet m’a donné soif et que je ne veux pas me ruer sur un si bon vin. Pour être comprise, il faut y aller en douceur me dis-je.
Tout le monde est servi et là commence pour moi le calvaire de toute personne « au régime » : j’ai de la nourriture en abondance sous les yeux que je ne peux pas manger. Tout le monde se sert et se ressert en vantant les mérites du houmous maison et du pain d’épeautre si bon. Et ce vin, quel délice !! Marine, tu es sûre que tu n’en veux pas un verre ? Parce que si tu continues à l’eau, il n’y en aura plus ! Sourires entendus d’amis qui savent que, depuis plus de 20 ans, j’aime le bon vin. Mais moi, dans ma petite tête, je compte. Je sais qu’il y a un diner après cet apéro, et qu’il y aura encore du vin et je me dis que je n’ai droit qu’à un seul verre pour la soirée alors je me le réserve pour le plat. J’ose dire que dans le cadre de ma nouvelle alimentation, je limite ma consommation d’alcool. Je me dis qu’il faut bien que je m’exprime, que je leur explique que le vin est à boire avec modération pour ne pas casser la dynamique de perte de poids. Je commence à expliquer le phénomène de cétose, les glucides, l’insuline. Mes amis écoutent, posent des questions, s’intéressent. Certains en avaient déjà vaguement entendu parler, d’autres ont lu un article un jour au sujet de la résistance à l’insuline. On parle perte de poids et accompagnement par un nutritionniste. Tout le monde se montre compréhensif.
Les meilleures intentions du monde
Et ce qui devait arriver arriva : commence le ballet des petites phrases, dites avec les meilleures intentions du monde, auxquelles je vais devoir m’habituer car il y en aura beaucoup au cours des mois suivants. Ca commence par le vin : Mais le vin rouge, ça ne fait pas grossir, non ? Même pas juste un verre pour gouter ? Tu vas quand même pas trinquer à l’eau ! Tu ne veux pas faire une exception ce soir ? C’est pas un fond de verre qui va te faire du mal ! Comme tu veux, mais tu loupes quelque chose ! Tu es sûre, hein ? Tu veux même pas tremper les lèvres ?
Et ce sera pareil avec le pain : Mais tu sais, c’est celui qui vient de la super bonne boulangerie, fait avec de la farine complète. Il y a des graines dedans, c’est céto ça ?! Me dis pas que tu ne vas pas saucer ?!
Et ce sera pareil avec le plat dans lequel il y a des pommes de terre, mais elles sont du jardin, elles sont bio, elles sont cuisinées sans graisse (lol !).
Et ce sera pareil avec le dessert, mais c’est un gâteau maison ! C’est une tarte aux pommes, ça ne fait pas grossir, c’est des fruits ! Mais c’est moi qui l’ai fait et je n’ai quasiment pas mis de sucre ! Mais j’ai mis du sucre complet/du sirop d’agave/du miel ! T’es sûre que tu ne veux même pas gouter un tout petit bout ? Tu ne veux pas faire un écart, juste aujourd’hui ? Franchement, Marine, tu t’es déjà privée de tout, tu peux bien te faire un petit plaisir ! Même les chocolats du meilleur ouvrier de France qui sont trop bons ?
Oui, ils sont trop bons. Tout ce que mes amis mangent, c’est très bon. Je sais ! Et non, je n’en mangerai pas. Et oui, je suis en paix avec cette décision. Et non, je n’en souffre pas. Et oui, c’est pour mon bien. Et oui, je me sens très bien.
Et oui, parfois, j’apprécie aussi qu’on ne fasse pas de commentaire sur ce que je mets dans mon assiette.
Il est normal que les gens s’interrogent et qu’ils soient déstabilisés. Quand je change, eux aussi doivent changer, sauf que, eux, ne l’ont pas décidé. Je pense donc que c’est à moi de faire l’effort de pédagogie et de patience pour les amener à cheminer à mes côtés. Certains sont excités par le changement, d’autres le sont moins. Certains veulent lire les livres qui m’inspirent, d’autres s’en fichent. Chacun réagit à sa façon, avec son passé, son propre rapport à l’alimentation et ce n’est jamais évident. C’est normal, c’est la vie.
Le plus dur ne se voit pas.
Ce qui, pour moi, a été difficile, y compris difficile à dire, c’est que refuser la gourmandise, refuser de négocier mes restrictions avec mes proches, c’était aussi me confronter à une situation particulièrement inconfortable. En effet, je disais non au nom de la perte de poids alors même que cette perte de poids ne se voyait pas encore. J’étais en obésité morbide et je refusais un quartier de pomme, cela pouvait paraître aberrant, excessif, disproportionné. Je me suis parfois sentie ridicule avec mes plus de 120 kilos à refuser un petit morceau de pain. Il m’a fallu assumer mon alimentation avant d’en avoir des résultats apparents. C’était difficile d’être en décalage entre ce que j’étais physiquement et l’aplomb avec lequel il fallait que je résiste aux sollicitations.
Aujourd’hui, plus de 40 kilos plus tard, tout a changé : tout le monde respecte ma façon de manger. Ça ne bronche pas d’un pouce parce qu’ils voient que ça fonctionne, et pas qu’un peu ! Et j’ai également beaucoup plus de sérénité quand je dis non. Je l’ai vu en cette fin d’été où, lors d’un mariage, je suis allée voir le serveur au moment du repas et je lui ai discrètement demandé de ne pas mettre de pomme de terre dans mon assiette. Je n’aurais jamais osé faire cela il y a six mois ! Je n’aurais pas osé parce que j’aurais eu honte. C’est sûrement bête mais c’est comme ça que fonctionne la grossophobie intégrée. On a honte d’être gros et on a honte de faire des efforts pour ne plus l’être ! C’est paradoxal mais c’est comme ça que je l’ai ressenti. Se permettre de « déranger » les gens en leur disant non alors même que les résultats ne sont pas encore là, c’est difficile. Il faut le reconnaître. Je pense que c’est important.
L’accompagnement sur Instagram a été capital pour moi. Je l’ai déjà dit mais je le répète, les comptes de @ceto_vie, de @lapaulinaa et de @monsieur_keto m’ont sauvé la vie. Parce que j’ai retrouvé dans leur partages mes questionnements, mes impatiences et des réponses. Parce que j’ai compris que manger cétogène, c’est comme être végétarien ou ne pas manger de porc : c’est à l’entourage de s’adapter. Et je dis ceci sans agressivité mais avec fermeté. Parce que s’adapter à l’autre, c’est le respecter dans toute son intégrité.
Je n’impose mon alimentation à personne. Quand je reçois des invités, je fais toujours un petit peu de féculents ou un dessert sucré, il y a toujours une baguette de pain. Je les respecte. J’attends d’eux le même respect, à savoir ne pas m’imposer de manger quelque chose que je refuse.
Des amis qui vous veulent du … bien
Mais s’adapter au changement de quelqu’un d’autre, ça peut perturber. Mon entourage a été obligé de modifier son comportement envers moi. Et j’ai eu, comme vous j’en suis sûre, des réflexions parfois déstabilisantes, parfois dérangeantes auxquelles il m’a fallu apprendre à faire face.
Il y a trois jours encore, lors du fameux mariage au cours duquel j’ai renoncé aux pommes de terre, je me suis néanmoins autorisé une coupe de champagne. Un de mes amis (que j’adore d’ailleurs !) m’a alors lancé devant tout le monde en riant « bah dis donc Marine, c’est pas céto l’alcool ! C’est bourré de calories ! ». A ce moment, je pense mille choses : premièrement, ce qu’il dit est faux, confondre les glucides et les calories est une erreur. Deuxièmement, on peut boire un peu d’alcool en keto, ça n’a jamais tué personne. Troisièmement, qu’il s’occupe de ses fesses et pas des miennes ! Et quatrièmement, à quel moment ce genre de réflexion est sensée être drôle ? Ces petites blagues sont dites avec légèreté mais elles peuvent avoir une valeur assassine. Personnellement, je me sens oppressée par ce genre de surveillance qui n’a rien de sympathique. Vous pensez bien que je n’ai rien dit de tout cela ! J’ai souris et j’ai dû répondre quelque chose comme « ne t’inquiète pas pour moi chéri, je sais ce que je fais ! ». Parce que non seulement, il faut s’enquiller ce genre de réflexion à la con, mais en plus, il faut être gentille pour ne pas casser l’ambiance, au risque d’être la fille susceptible à-qui-on-ne-peut-rien-dire !
Fort heureusement, cela n’arrive pas souvent. Mais quand cela se produit, il peut être parfois difficile de réagir calmement. Il m’est arrivé de me sentir déstabilisée, voire vexée par une petite phrase du genre « t’es sûre que tu veux manger du fromage, tu ne vas pas le regretter sur la balance ? ». Dans ces moments, j’ai pu me sentir humiliée, grosse et coupable. Avais-je raison de manger du fromage ? Etais-je vraiment sûre de moi ? Il faut être sacrément forte dans sa tête pour ne pas se la prendre !
Les béquilles du keto
J’ai appris à dire non. Je suis désormais suffisamment déterminée et tranquille dans ma prise de décision pour être sereine en refusant un plat. Mais le refus est fatiguant. Parfois, j’ai envie de dire oui, juste pour avoir la paix. Je crois même que ça m’est déjà arrivé : j’ai dit oui et j’ai triché en ne mangeant pas ce qui m’étais servi. J’ai dit oui au verre de vin et je ne l’ai pas bu, je l’ai donné discrètement à une âme complice. Au final, faire ça me demande davantage de courage que de refuser parce que la nourriture est là, sous mon nez, dans mon assiette. Et je dois y renoncer. Je ne vous cache pas que parfois, c’est un peu dur. Parce que bien sûr que ces petits financiers de la super bonne boulangerie ont l’air d’être une tuerie ! Dans ces moments-là, je bénis @deliceslowcarb et les substituts sans sucre. J’ai chez moi, du chocolat céto, de la pâte à tartiner et même des croissants sans glucide. Je considère ces douceurs comme des béquilles, pour le cas où je flancherais. Je ne suis pas infaillible. On y reviendra plus tard…
Un soutien plus fort, qui me porte plus loin
Le premier diner est aujourd’hui loin et désormais mon entourage connait par cœur mon alimentation. Mes proches me servent généreusement du saucisson et des olives en apéro. J’ai des amis en or, croyez-moi !
Une amie qui ne connaissait rien au keto a fait tous les magasins pour trouver de l’érythritol et me faire un cheesecake cétogène à mon anniversaire. Une autre m’appelle systématiquement quand elle fait ses courses pour valider si les produits qu’elle s’apprête à acheter sont compatibles avec mon régime. Un ami m’a fait du pain céto juste pour moi lors d’une soirée organisée chez lui. Toutes, tous, sont aux petits soins pour moi. Ils sont contents de me voir perdre du poids, ils ont compris ma démarche. Ils me soutiennent et cela n’a pas de prix. Je les remercie chaque jour pour leur tendresse et leur délicatesse à mon égard. Ils ont dû apprendre, comprendre, s’adapter, comme moi. Ils ont fait beaucoup d’efforts pour moi. Nous avons tous nos maladresses mais nos intentions sont bonnes. Cela me touche à un point qu’ils ne soupçonnent pas parce que je ne suis plus seule face à mon assiette. Nous sommes ensemble.
Et ça change tout.
Bichette
3 réponses
3 eme billet tout aussi intéressant que les 2 premiers !
A peu de choses près j’ai l’impression que tu décris ce que j’ai vécu et vis encore avec ce changement d’alimentation.
Je recommande ce billet à tout ceux qui débutent il se sentiront moins seuls face à leur propre ressenti et aux réactions de l’entourage .
Heureusement la communauté cétogène dans son ensemble est généreuse et bienveillante et toujours là pour aider les débutants.
Savoir dire non, refuser sans vexer l’autre, trouver les mots justes, entendre des petites phrases mesquines et déplacées, maîtriser ses émotions, toutes ces phases du régime keto et ces phrases ont leur niveau de difficulté ! Ce n’est pas un simple changement alimentaire ou un « rééquilibrage » comme on dit en naturopathie.
Comme tu l’écris si bien, l’entourage a un rôle essentiel. C’est important d’être soutenu, d’être compris et entendu. C’est ça aussi le respect. Et celles et ceux qui sont intéressé.es. par ton parcours comprennent de mieux en mieux le chemin entrepris pour un mieux-être et une meilleure santé. Quoi que les autres pensent, quoi qu’ils disent, surtout ne lâche rien. Ce changement te va si bien !
Merci pour ce billet numéro 3, je commence réellement ma vie céto et tes billets sont d’une aide précieuse, merci pour ton vécu que je suis en train de vivre et qu’il faut mettre en place sans froisser…