Sur une étoile ou sur un oreiller. Ca y est, vous avez la chanson dans la tête ? C’est cadeau ! :o)
On va s’aimer… en tout cas, c’est ce que je vous propose, du moins, c’est ce que j’espère.
Réflexion autour d’un photomontage
Depuis plusieurs semaines déjà, certaines personnes m’ont demandé de publier un photomontage de moi l’année dernière (à 132 kilos) et moi aujourd’hui (à moins de 90 kilos). J’ai passé quelques heures à réaliser la chose, sélectionnant deux photos bien emblématiques sur lesquelles la différence de poids est la plus flagrante. Et, à la réflexion, je ne souhaite pas publier le document.
En effet, je suis pas au clair avec ce que je ressens en regardant cette comparaison. Il y a une dimension dérangeante à comparer mon corps de 2020 avec celui de 2021. C’est aussi ce que j’éprouve en regardant les montages des autres personnes sur les réseaux sociaux. Les différences de corps sont parfois très impressionnantes et j’ai toujours un pincement au cœur quand je lis la légende. La plupart du temps, la personne est tellement fière d’avoir changé. Je comprends cela d’autant plus que je ressens moi aussi cette fierté d’avoir évolué. Je respecte la démarche de chacun de publier ou non des comparaisons avant/après mais je souhaite vous expliquer ce que cela provoque en moi. Accrochez-vous, j’ai peut-être l’esprit peut-être un peu tordu !
Oh my God !
Pour faire mon montage, j’ai dû regarder les photos des années écoulées, photos sur lesquelles j’étais en obésité morbide. Toute un cortège de réflexions m’ont alors traversé l’esprit : « Oh mon Dieu ! Quelle horreur !! Comment ai-je pu être comma ça ? Qu’est-ce que j’étais moche ! Qu’est-ce que je suis mieux maintenant ! On dirait une autre personne ! Ce n’est pas possible d’avoir vécu avec ce corps ! Oh la la, c’est terrible de savoir que j’ai été comme ça ! ». J’étais horrifiée par mon corps d’avant. J’ai regardé chaque pixel de mes cuisses, de mon visage, de mon ventre, de ma posture, de mes vêtements. J’ai scruté chaque détail susceptible de traduire à quel point j’étais grosse et j’en étais stupéfaite, presque fascinée. « C’est dingue, j’étais comme ça ! ». Et dans ce « ça », il y avait tellement de dégoût que cela me perturbe encore.
Ajouté à cela, je ressens un soulagement intense en regardant les photos d’aujourd’hui. J’éprouve un mélange paradoxal de fierté d’avoir changé et de honte d’avoir été celle que j’ai été. Je ressens avec d’autant plus de force le caractère monstrueux de mon corps d’avant (oserais-je dire, son caractère inhumain) que je vois d’un côté une femme qui n’en n’était presque plus une et de l’autre, une gagnante sur la voie du succès.
Je suis alors prise de tristesse pour la première, j’ai envie de la cajoler, de lui dire de prendre soin d’elle. J’ai également envie de la gronder, de la secouer. Pourquoi s’est-elle infligée cela ? Et finalement, elle me dégoûte, par sa faiblesse, par ce corps inacceptable.
Mais comment puis-je ressentir un tel élan de rejet, de culpabilité et de pitié pour moi-même ? Je sais pourtant très bien ce que je vivais à l’époque : j’étais mal dans ma peau, profondément consciente de mes complexes, honteuse de moi-même. Je me rappelle également avoir été enthousiaste et porteuse de mille projets. J’étais quelqu’un à part entière, prise dans ses souffrances d’alors. Pourquoi me regarder avec tant de haine aujourd’hui ? Pourquoi poursuivre à appliquer ce regard grossophobe ultra-violent, qui réduit ma personnalité à un problème de poids ? J’imagine que cela me soulage de ne me dire que je ne suis plus victime d’un tel regard. Je dois bien reconnaître que je me trompe car j’oublie que la fille sur ces photos, c’est moi !
Le César qui vit en nous
J’entends dire par mon entourage que je dois être une sacrée combattante pour arriver à perdre tout ce poids. On me félicite, on me valorise pour mon « régime ». Bravo Marine, qu’est-ce que tu es forte pour y arriver !
Mais devant mes photos, ce que je vois, c’est que celle qui est vraiment courageuse, elle pesait plus de 130 kilos : il en fallait de la volonté pour vivre en se sentant si mal. Il en fallait du caractère, de la force de vie pour se supporter malgré autant de haine de soi ! C’était avant qu’il fallût me dire à moi-même que j’étais une guerrière ! Parce que le combat, je l’ai mené pendant des années, avant de perdre du poids. C’est beaucoup plus facile d’être moi-même aujourd’hui, avec simplement quelques kilos de rondeur tout à fait acceptables ! Je dois rendre à César ce qui appartient à César. C’est mon moi d’avant qui a fait tout le boulot !
Changer son regard
Je voudrais regarder les photos d’avant ma perte et me dire que j’étais belle, que j’étais déjà moi-même. Je n’étais pas un projet, je n’étais pas un brouillon de quelqu’un de mieux en devenir.
Je voudrais me regarder dans le passé et me reconnaître à ma juste valeur, ni plus, ni moins. Je voudrais regarder la femme que j’étais d’hier et lui dire merci de ne pas avoir lâché, de s’être accrochée, de s’est battue de toutes ses forces pour que je puisse vivre aujourd’hui le corps et l’esprit plus léger.
Je voudrais me regarder dans le passé et me dire que mon corps a reflété mes batailles et qu’aujourd’hui je suis en paix. Je voudrais valoriser celle qui s’est sacrifiée plutôt que de la comparer à celle d’aujourd’hui qui, injustement, se récupère tous les lauriers !
Alors, voilà, je ne publierai pas de photomontage car je veux réhabiliter mon image de moi-même. Sur les deux photos, ce n’est pas celle de 2021 qui mérite le plus d’être valorisée ! J’ai besoin de temps pour me réconcilier avec mon moi d’hier.
On va s’aimer, pour nous-mêmes. Aimons celle/celui que nous avons été, elle/il nous a permis de devenir celle/celui que nous sommes aujourd’hui.
J’m’en fous !
Alors, c’est peut-être grandiloquent, plein de bons sentiments, dégoulinant de pathos, tant pis ! Je me le dis, je me l’écris et je me le répèterai autant de temps qu’il le faudra :
Marine, Bichette, merci d’avoir été grosse. Merci d’avoir vécu cela et de ne pas m’avoir abandonnée. Et merci de continuer !
3 réponses
Superbe post. Plein de sincérité, d intelligence et d humanité . Une belle réflexion sur ce changement qui n’ est pas si simple que un avant / après et 2 photos qui se touchent. Bonne route !
C’est tout à votre honneur, ne pas changer juste comprendre se qui est bien pour soit.
Toute la vie notre corps change. C’est incroyable comme à chaque âge, on n’accepte pas notre corps.
C’est un travail de longue haleine que d’apprendre à aimer son corps. Le titre de ce billet est très bien choisi.